jeudi 5 août 2021

Good preaching Etienne - Le succès dans le ministère... selon Dieu

Il est toujours flatteur pour un prédicateur, de se faire dire qu'il a livré un bon message (bon sermon). Mais la mesure de la réussite selon Dieu, n'est pas nécessairement la nôtre.

(J'ai publié ce message initialement le 3 août 2009 sur mon précédent blogue chrétien pour seekers)

En Amérique du Nord, la mesure du succès de celui qui prêche l'évangile peut devenir centralisée sur l'aptitude qu'il a d'attirer et retenir le plus grand nombre d'auditeurs possible à son Église. Cela amène parfois la migration des «chrétiens» en fonction des talents ou des dons (naturels et spirituels) de l'orateur au fil des années. Le principe biblique d'église locale en tant que projet à moyen et long terme, en prend même parfois un coup, car les chrétiens en viennent à développer une attitude de consommateurs de produits spirituels, ou même de critiques spécialistes de la bonne table chrétienne. Pendant ce temps, les églises ne font plus leur ministère propre, car elles s'appuient sur un ou quelques professionnels de la foi, pour l'oeuvre de la parole de Dieu.


La mesure d'un bon sermon

Il est toujours flatteur pour un prédicateur, de se faire dire qu'il a livré un bon message (bon sermon). Lorsque nous nous transportons au temps de l'Église naissante, il y a deux millénaires, nous trouvons un récit captivant, au sujet d'un disciple nommé Étienne (Actes 6.5 à 7.60).

Il livre le message de sa vie. Si on pouvait l'évaluer, il serait difficile de ne pas approcher la note d'évaluation de 10 sur 10 (un A+; surtout du fait que Jésus lui-même se lève de son trône de gloire au dénouement du récit trouvé dans le livre des Actes). Je n'oserais donc pas dire qu'il aurait dû faire les choses différemment.

Mais encore:

  • Sa prédication est fondée sur un caractère accompli; il est rempli du Saint-Esprit et marche en nouveauté de vie. En fait, il a déjà commencé à servir dans les choses qui peuvent paraître moins nobles (se mettre au service des autres, entraide; Ac. 6.5). Beaucoup de gens veulent commencer par prendre la parole en public et diriger avant d'avoir été mis à l'épreuve dans des ministères moins valorisés ou moins visibles.
  • Étienne manifeste des dons spirituels (Ac. 6.8).
  • Dans son message, Étienne part de ce qui est connu de son auditoire. Ainsi il reprend les grandes figures de l'Ancien Testament, il utilise l'Histoire des événements connus de son peuple. Il se sert du connu comme tremplin pour les conduire vers les nouvelles et meilleures richesses spirituelles.
  • Il donne beaucoup d'exemples en lien avec son sujet principal (ici, avec des personnages connus de son auditoire).
  • Ce faisant, il expose et explique les Écritures en suivant un fil conducteur.
  • Il ne tire pas dans toutes les directions.
  • Enfin il débouche sur la gloire du Christ ressuscité, ce qui comprend, en bon disciple rempli du Saint-Esprit, un appel implicite vers la relation avec Dieu en tant que Dieu; non en tant que bonne fée marraine ou génie protecteur au serviteur de l'homme. Jésus est à la droite du Père et règne avec Lui. Mais il a compassion des hommes, sans toujours, ni partout, contrecarrer les conséquences du mal.
  • Placé en face de la mort et de la dureté de gens très religieux, il prie encore Jésus et accepte son salaire pour une bonne prédication devant ses accusateurs : «Et ils lapidaient Étienne, qui priait et disait : Seigneur Jésus, reçois mon esprit !» (Ac. 7.59).
  • Enfin, non seulement il intercède pour ses auditeurs, mais chose pour un prédicateur, il pardonne à ceux qui le haïssent et qui croient qu'il a prêché un très mauvais sermon. Il quitte en paix pour son repos éternel : «Puis, s’étant mis à genoux, il s’écrie d’une voix forte : Seigneur, ne leur impute pas ce péché ! Et, après ces paroles, il s’endormit».

À la fin de son message, les auditeurs se bouchent les oreilles et Étienne est traîné hors de la ville et lapidé. Il s'endort du sommeil de la mort du juste.


Étienne donne une leçon aux prédicateurs de notre époque

Quelle leçon pour notre époque ! Pas une contestation; pas un «Pourquoi moi?». Pas une mauvaise parole contre ses meurtriers qui le mènent à la mort. Même pas un «Jésus, délivre-moi de mes persécuteurs !». C'eût été une prière très chrétienne pour la circonstance. Mais il voit avec les yeux de l'Esprit. Il sait que son heure est venue, d'être rappelé auprès de son Maître et Seigneur de l'Univers.

Finalement, Étienne ferait probablement un bon enseignant d'homilétique (art de la prédication). Mais voilà que plutôt que de recevoir la confirmation de son ministère de prédicateur de l'évangile par un fort appui pour le lancement de sa propre église, c'est une toute autre issue qui l'attend. On ne se rue pas sur lui pour le féliciter et lui dire une parole d'appréciation du genre: «Good preaching, Étienne», mais plutôt pour... l'éliminer.

Si l'issue d'un bon message n'est pas toujours aussi radicale que l'exécution publique du prédicateur, et si cela n'est pas non plus le but à rechercher, il n'en demeure pas moins que ceci nous enseigne une leçon d'humilité.


La mesure de la réussite selon Dieu, n'est pas la même que la nôtre

Pour Dieu, l'importance est l'obéissance. Les chrétiens ont obligation de fidélité et d'obéissance mais non de réussite aux yeux des valeurs de ce monde dont les critères changent selon les générations. L'Évangile selon Jean, nous rappelle ce principe, en citant le prophète Esaïe: Un serviteur fidèle peut être rejeté.

«Malgré tant de miracles qu’il [Jésus] avait faits en leur présence, ils ne croyaient pas en lui, afin que s’accomplît la parole qu’Esaïe, le prophète, a prononcée : Seigneur, Qui a cru à notre prédication ? Et à qui le bras du Seigneur a–t–il été révélé ?» (Jean 12.37-38).

Étienne a fait un sermon juste; il a proclamé l'évangile dans l'adversité. Il vivait en paix avec sa conscience. Sa récompense aura été, non pas un salaire matériel, mais d'avoir été accueilli en témoin fidèle. À la fin de son message, il voit en vision Jésus non pas assis mais debout. Jésus décrit dans d'autres textes comme assis (régnant) à la droite de Dieu, n'est pas assis sur son trône. S'est il levé pour voir son témoin ?


Il n'y a pas de véritable prédication ni véritable enseignement, sans l'annonce de la vérité

Le serviteur de Dieu qui est trop dépendant de la reconnaissance des autres risque de tomber dans le piège du compromis. Si cela peut garantir une bonne image de soi, un meilleur accueil des autres, ou une meilleure retraite matérielle, par contre ce qui n'est pas de l'Esprit de Dieu ne passe pas dans l'au-delà. Comme un enfant qui rêve qu'il a un beau jouet entre les mains et qui se réveille les mains vides, les chrétiens qui essaient d'amener le fruit de la capacité humaine non relevée par la prière et l'esprit de Dieu, verront leurs oeuvres comme détruites par le feu, pour employer une métaphore:

«Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus–Christ. Or, si quelqu’un bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’œuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu’elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu’est l’œuvre de chacun. Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il perdra sa récompense ; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu» (1 Corinthiens 3.11-15).

Le texte précédent nous vient de l'apôtre Paul. Au milieu du 1er siècle, l'apôtre est accompagné d'aides qui veillent sur les églises locales ou régionales nouvellement implantées. Ces disciples qui sont en quelque sorte des ouvriers combinant des fonctions multiples de pasteurs-évangélistes-enseignants-administrateurs par intérim, le temps que l'assemblée atteigne une autonomie minimale, Paul les enjoint de prêcher la vérité. C'est la mesure de base du vrai sermon et du vrai enseignement chrétien. Seul le fruit de la vérité, passe les portes de l'au-delà.


Paul, à son aide Timothée

À Timothée, l'apôtre n'enjoint aucunement de flatter les auditeurs mais d'être un bon dispensateur de la vérité:

«Je t’en conjure devant Dieu et devant Jésus–Christ, qui doit juger les vivants et les morts, et au nom de son apparition et de son royaume, prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine ; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs» (1 Tim. 4.1-3).

Paul, à son aide Tite

À Tite, il confirme la responsabilité de la saine doctrine en vue des oeuvres de ceux qui croient:

«Pour toi, dis les choses qui sont conformes à la saine doctrine [...] Dis ces choses, exhorte, et reprends, avec une pleine autorité. Que personne ne te méprise [...] Cette parole est certaine, et je veux que tu affirmes ces choses, afin que ceux qui ont cru en Dieu s’appliquent à pratiquer de bonnes œuvres. Voilà ce qui est bon et utile aux hommes» (Tite 2.1; 2.15; 3.8-9).

Le prédicateur de Dieu est bien plus qu'un animateur (tendance des dernières décennies); il est un responsable spirituel devant Dieu, qui a des comptes à rendre.


L'équilibre biblique

L'équilibre n'est pas dans la prédication de la loi, car la loi n'a aucun pouvoir de produire l'obéissance. L'équilibre du bon prédicateur et conducteur n'est pas la domination de l'assemblée; il ne désire pas tenir les gens en son pouvoir, ni être admiré d'eux. L'équilibre biblique n'est pas non plus la malbouffe (mauvaise nourriture) spirituelle qui certes plaît à de nombreux auditeurs, mais qui n'a pas beaucoup de répercussions éternelles positives. Les enfants sont de bien mauvais juges pour décider des repas de la famille. De même, les responsables établis en autorité sur la base de leurs fruits spirituels, ont la responsabilité de fournir la bonne nourriture au temps convenable, comme le dit Jésus (Matthieu 24.44-51).


Conclusion

Étienne a certainement livré un excellent message, qui est en fait son témoignage, face à ses accusateurs. Mais il n'a pas eu le privilège de diriger une méga-église.

Il n'y a pas à dire, la mesure de la réussite selon Dieu, n'est pas la nôtre.

La satisfaction de l'oeuvre accomplie et la mesure (le poids) du service d'un conducteur spirituel ne doivent pas être dans l'évaluation de ses pairs uniquement ou de son auditoire, mais de s'être tenu debout, avec humilité et douceur, avec autorité et assurance pour la vérité, pour la justice et pour le salut du plus grand nombre, sans les compromis de notre siècle.

Même Jésus se lève, du milieu de sa gloire. Étienne était certainement un vrai disciple. Ainsi, Étienne a accompli dans son corps ce que l'apôtre Paul exprime en ces mots qui prennent une toute autre résonance, lorsqu'on prend conscience de ce qu'ils impliquent chez un serviteur de Christ:

«Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l’achève en ma chair, pour son corps, qui est l’Eglise. C’est d’elle que j’ai été fait ministre, selon la charge que Dieu m’a donnée auprès de vous, afin que j’annonçasse pleinement la parole de Dieu, le mystère caché de tout temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir : Christ en vous, l’espérance de la gloire. C’est lui que nous annonçons, exhortant tout homme, et instruisant tout homme en toute sagesse, afin de présenter à Dieu tout homme, devenu parfait en Christ. C’est à quoi je travaille, en combattant avec sa force, qui agit puissamment en moi» (Colossiens 1.24-29).

Ce qui manque aux souffrances de Christ, c'est que nous venions à lui, que nous le servions et rendions témoignage de lui, dans les temps difficiles aussi. À la fin, on peut facilement imaginer Jésus recevant Étienne dans son repos et lui disant : «Good preaching»; «très bon message , mon enfant».  

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